Lancement du nouveau supercarburant 95-E10
Depuis le 1er avril, les stations-service ont le droit de distribuer un nouveau carburant : l’E10, composé à 90% de super sans plomb 95 et à 10% d’éthanol. Le sans plomb 95 classique contient lui un maximum de 5% d’éthanol. La France entend ainsi respecter l’objectif qu’elle s’est fixé, à savoir proposer des carburants avec au moins 10% d’agrocarburants d’ici à 2015. «Avec le SP95-E10, les automobilistes pourront à la fois réduire leurs émissions de CO2, contribuer à la diversification des sources d’énergie et participer au soutien de la filière des agrocarburants française, tout en ménageant leur budget d’essence», vante le pétrolier BP France. Vu sous cet angle, l’E10 possède de jolis atouts. Pourtant, cet agrocarburant, qui pourrait remplacer à terme le SP95, suscite réserves et polémiques.
Les associations écologistes sont les premières à fustiger l'éthanol, alcool produit à partir de blé ou de betteraves. «L’E10 n’a rien de bio ! Utiliser des plantes alimentaires pour remplir l’estomac des voitures plutôt que celui des hommes ne permet pas de répondre aux dérives de l’agriculture intensive et à la famine dans le monde », clame France Nature Environnement (FNE). Les scientifiques émettent eux aussi des réserves sur l’intérêt des agrocarburants. Dans un rapport publié en décembre 2008 par le ministère de l’Écologie, certains d’entre eux pointent le rendement faible de ces carburants, l’utilisation des engrais et pesticides qu’ils impliquent, les risques qu’ils font courir à la biodiversité… Pour preuve que ces carburants n’ont rien d’écolo, les sénateurs ont décidé de remplacer l’appellation “biocarburant” par celle d’“agrocarburant” dans tout le projet de loi sur le Grenelle de l’Environnement.
Si malgré ces arguments, l’idée de rouler avec plus d’alcool de betteraves vous séduit, vous devez d’abord vérifier que votre véhicule est compatible. En théorie, la majorité des véhicules construits après le 1er janvier 2000 supportent l’E10. Mais 30% des automobilistes roulent avec des voitures plus anciennes. L’E10 ne leur servira à rien, ou bien ils devront changer de véhicule. En Allemagne, le gouvernement a officiellement renoncé à l’E10 pour cette raison : il ne souhaitait pas pénaliser les 3 millions d’automobilistes utilisant des véhicules trop anciens.
Votre voiture est compatible ? Maintenant, vous allez devoir trouver une station-service qui distribue le précieux carburant. Ce n’est pas gagné : mis à part BP France, les distributeurs sont loin de vouloir se précipiter pour équiper leurs stations-service. Total, par exemple, souhaite distribuer l’E10 au cours de la première quinzaine d’avril, mais dans seulement 300 stations-service (sur 4000) en Bretagne et en région parisienne. Chez Esso, une dizaine de sites sur 700 devraient proposer de l’E10. Carrefour précise que l’E10 sera d’abord introduit dans ses stations d’autoroutes, début avril, sans préciser quand ses autres stations passeront le pas.
Si, finalement, vous réussissez à trouver une pompe, reste la question du prix. Les distributeurs devraient le proposer entre 1 et 3 centimes moins cher que le SP95 classique. BP France annonce par exemple une réduction pouvant aller jusqu’à 3 centimes le litre, soit environ 3%. Mais ce gain risque d’être très amoindri, car une voiture roulant à l’E10 consomme 1,7% de plus qu’une voiture roulant au sans plomb 95. «Cette surconsommation sera presque imperceptible par l’automobiliste. En effet, elle représente moins que la surconsommation induite par un sous-gonflage des pneus de moins 0,5 bar (2,4% de consommation en plus) ou par un filtre à air encrassé (3% en plus), selon les calculs de l’Ademe», assurent les producteurs d’agrocarburants. Pas sûr que les automobilistes se laissent convaincre.
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